Publié le 11 mars 2024

Comprendre les parcs nationaux d’Islande, c’est lire trois chapitres essentiels de l’identité du pays, bien au-delà de la simple visite touristique.

  • Chaque parc protège une facette unique : Þingvellir l’histoire et la géologie, Vatnajökull les forces élémentaires de la glace et du feu, et Snæfellsjökull un condensé mythique de l’Islande.
  • Visiter ces lieux implique une responsabilité : celle de devenir un « gardien temporaire » d’écosystèmes d’une extrême fragilité.

Recommandation : Abordez chaque parc non comme une destination, mais comme un récit. Demandez-vous ce que le paysage vous raconte, pour une expérience de voyage plus profonde et respectueuse.

Le regard du voyageur se perd souvent sur une carte de l’Islande, fasciné par des noms aux sonorités étranges : Þingvellir, Vatnajökull, Snæfellsjökull. Ces trois lieux partagent le statut prestigieux de « parc national ». Mais que signifie réellement ce titre ? Beaucoup les perçoivent comme de simples regroupements de paysages spectaculaires, des attractions à cocher sur une liste. On entend souvent qu’il faut « voir la faille » à Þingvellir, « toucher un iceberg » au pied du Vatnajökull ou « chercher l’entrée du centre de la Terre » près du Snæfellsjökull. Si ces expériences sont mémorables, elles ne sont que la surface d’une réalité bien plus riche.

En tant que conservateur, ma perspective est différente. Ces parcs ne sont pas des décors de cinéma. Ce sont des sanctuaires, des laboratoires à ciel ouvert et, surtout, des archives vivantes. Chaque parc national est un chapitre du grand livre de l’Islande, protégeant une part fondamentale de son âme. Le véritable voyage ne consiste pas seulement à les traverser, mais à apprendre à les lire. Et si la clé n’était pas de savoir *quoi* voir, mais de comprendre *pourquoi* ce que l’on voit est si précieux qu’une nation a décidé de le protéger pour l’éternité ?

Cet article vous propose de changer de regard. Nous n’allons pas simplement lister des points d’intérêt. Nous allons décrypter l’identité de chaque parc pour vous aider à choisir celui, ou ceux, qui résonneront le plus avec votre quête de sens. Nous verrons comment ce triptyque islandais – histoire, nature brute et mythe – forme un tout cohérent. Enfin, nous aborderons notre rôle en tant que visiteurs, car comprendre ces trésors, c’est aussi apprendre à en prendre soin.

Ce guide vous emmènera au cœur de l’Islande, non pas en kilomètres, mais en profondeur. Découvrez le caractère unique de chaque parc national et les clés pour devenir un explorateur conscient et respectueux de ce patrimoine universel.

Thingvellir : le seul endroit au monde où vous marchez entre deux continents et sur 1000 ans d’histoire

Þingvellir (Thingvellir) n’est pas un parc, c’est un carrefour. Le point de rencontre monumental entre la géologie et l’histoire humaine. Ici, le paysage vous lit un cours magistral à livre ouvert. Le parc est traversé par le rift médio-atlantique : la frontière visible entre les plaques tectoniques nord-américaine et eurasienne. Marcher dans la faille d’Almannagjá, c’est physiquement déambuler dans un « no man’s land » continental, sur une terre qui n’appartient ni à l’un ni à l’autre des continents, mais à la planète elle-même en pleine création. Les parois de basalte qui vous entourent sont les témoins de cette séparation continue, qui écarte l’Islande de quelques centimètres chaque année.

Cette arène naturelle, à la fois spectaculaire et protégée, fut choisie par les premiers colons vikings pour y établir leur assemblée. C’est ici que l’identité islandaise est née.

Étude de cas : Le site de l’Althing, premier parlement viking d’Islande

Le parc Þingvellir, reconnu patrimoine mondial de l’UNESCO en 2004, est avant tout le gardien du site de l’Althing, le tout premier parlement d’Islande fondé en 930. Pendant près de neuf siècles, jusqu’en 1800, les chefs de clans de toute l’île se réunissaient ici en plein air pour légiférer, rendre la justice et sceller des alliances. En visitant des lieux comme le Lögberg (« Rocher de la Loi »), on ne fait pas que regarder des vestiges ; on se connecte à un fil ininterrompu de démocratie parlementaire, l’un des plus anciens au monde. Les structures anciennes, bien que modestes, sont encore visibles et chargées de l’écho de mille ans de débats qui ont façonné la nation islandaise.

Visiter Þingvellir, c’est donc une expérience en deux temps. Commencez par la faille d’Almannagjá pour ressentir la puissance géologique, puis descendez vers le site historique de l’Althing. C’est là que vous comprendrez comment ce décor naturel grandiose a servi de fondation à une société. La cascade Öxararfoss, qui se jette dans le canyon, et les eaux cristallines de la faille de Silfra où l’on peut plonger entre deux mondes, ne sont pas que des beautés naturelles ; elles font partie intégrante de ce patrimoine vivant.

Marcheur solitaire dans la faille Almannagjá entre les parois de basalte recouvertes de mousse islandaise

En observant cette image, on saisit l’échelle humaine face à la géologie. La solitude du marcheur reflète l’expérience introspective de cette traversée, où le silence n’est rompu que par le vent s’engouffrant entre les parois. C’est une invitation à ralentir et à écouter ce que les pierres racontent. C’est la lecture du paysage dans sa forme la plus pure. Chaque pas vous fait voyager à travers les âges, de l’ère des sagas à la proclamation de la république islandaise en 1944, qui eut lieu sur ce même site symbolique.

Þingvellir est une introduction indispensable à l’Islande. Il pose les deux piliers de son identité : une terre en perpétuel mouvement et une nation fière de son histoire millénaire.

Vatnajökull : explorez le plus grand parc national d’Europe, un monde de glace et de feu

Si Þingvellir est le chapitre de l’histoire, Vatnajökull est celui des forces primordiales. Changer d’échelle est ici une nécessité. Oubliez la visite d’un site, vous entrez dans un royaume. Le parc national du Vatnajökull est une entité colossale, issue de la fusion en 2008 des parcs de Skaftafell et de Jökulsárgljúfur. Cette unification a créé le plus grand parc national d’Europe, un écosystème-récit cohérent qui s’étend de la calotte glaciaire jusqu’à l’océan. Imaginez un territoire de plus de 14 000 kilomètres carrés, soit 14% de la superficie de l’Islande, dominé par le plus grand glacier du pays.

Le Vatnajökull n’est pas une simple masse de glace. Sous son épaisse carapace vivent certains des volcans les plus actifs d’Islande. C’est l’incarnation même du surnom de l’île : « Terre de glace et de feu ». Les éruptions sous-glaciaires (jökulhlaups) peuvent provoquer des inondations dévastatrices, remodelant le paysage en quelques heures. Ce parc protège donc un dialogue permanent et violent entre deux extrêmes. Visiter le Vatnajökull, c’est être le témoin de la puissance brute de la nature, de sa capacité à créer et à détruire avec une égale majesté.

Devant l’immensité de ce parc, la planification est essentielle. L’erreur serait de vouloir « tout voir ». Il faut plutôt choisir une ou deux zones et s’y immerger. La beauté du Vatnajökull réside dans le fait qu’il offre des expériences pour tous les niveaux d’engagement et de budget, comme le montre cette analyse des activités possibles.

Comparaison des activités au Vatnajökull
Activités gratuites Activités payantes
Randonnées jusqu’au front des glaciers Exploration de grottes de glace avec guide
Observation des icebergs depuis la plage Randonnée sur glacier avec équipement
Visite des 5 centres d’accueil du parc Excursion en motoneige sur les plateaux glacés
Sentiers faciles depuis la route circulaire Accès en 4×4 aux zones reculées

Le lagon glaciaire de Jökulsárlón, où des icebergs vêlés par le glacier dérivent lentement vers la mer, est sans doute le visage le plus célèbre du parc. Mais n’oubliez pas les autres secteurs, comme Skaftafell, une oasis de verdure surprenante nichée au pied du glacier, offrant des randonnées magnifiques comme celle menant à la cascade de Svartifoss et ses orgues basaltiques. Au nord, l’ancien parc de Jökulsárgljúfur protège le canyon spectaculaire creusé par la rivière Jökulsá á Fjöllum, avec les cascades assourdissantes de Dettifoss et Selfoss. Chaque secteur est une porte d’entrée vers une facette différente de ce monde de glace.

Le Vatnajökull nous enseigne l’humilité. Face à l’âge de la glace et à la chaleur des entrailles de la Terre, le visiteur n’est qu’un invité éphémère, privilégié d’assister à un spectacle qui le dépasse.

Snæfellsjökull : le parc national du volcan qui a inspiré le « Voyage au centre de la Terre »

Après l’histoire de Þingvellir et la démesure du Vatnajökull, le parc national de Snæfellsjökull offre une expérience différente : celle du mythe et du microcosme. C’est le chapitre littéraire et symbolique du triptyque islandais. Tout le parc est organisé autour de sa figure tutélaire : le stratovolcan Snæfellsjökull, dont la calotte glaciaire immaculée domine toute la péninsule de Snæfellsnes. Sa silhouette parfaite, visible depuis Reykjavík par temps clair, a toujours alimenté l’imaginaire.

C’est bien sûr Jules Verne qui l’a immortalisé en faisant de son cratère la porte d’entrée de son « Voyage au centre de la Terre ». Comme le souligne une analyse de Chamina Voyages, sa renommée dépasse largement les frontières de l’Islande.

Le glacier le plus célèbre de l’île, un lieu hautement symbolique puisqu’il a été choisi par Jules Verne pour incarner le point de départ de ‘Voyage au centre de la Terre’

– Chamina Voyages, Les 3 parcs nationaux d’Islande

Mais réduire le parc à cette seule référence serait une erreur. Le Snæfellsjökull est avant tout un parc côtier qui protège une incroyable diversité de paysages sur un territoire très concentré. En une seule journée, on passe de plages de sable noir (Djúpalónssandur) à des falaises de basalte où nichent des milliers d’oiseaux (Arnarstapi), en passant par des champs de lave torturés recouverts de mousse épaisse. C’est pourquoi la péninsule de Snæfellsnes est souvent surnommée « l’Islande en miniature ». Le parc protège cette concentration unique d’écosystèmes, des grottes volcaniques aux plages où se prélassent les phoques.

L’une des expériences les plus fascinantes est l’exploration des tubes de lave, qui nous rapproche concrètement du chef-d’œuvre de Verne. C’est un véritable voyage sous la surface, dans les veines de la Terre. Le parc a d’ailleurs pris des mesures pour protéger ces trésors géologiques. La grotte de Vatnshellir, un tunnel de lave de 200 mètres de long formé il y a 8000 ans, a été fermée au public libre. Aujourd’hui, on ne peut la visiter qu’avec un guide autorisé, ce qui garantit sa préservation tout en offrant une expérience immersive et sécurisée, une descente dans des chambres colorées par d’anciens flux de magma.

Visiter Snæfellsjökull, c’est accepter de se laisser porter par les histoires, qu’elles soient écrites par des romanciers ou par la lave elle-même. C’est un lieu où l’imagination est aussi importante que les yeux pour apprécier la magie du paysage.

Le code de conduite du visiteur dans les parcs nationaux islandais

Comprendre la valeur des parcs nationaux islandais mène inévitablement à une question essentielle : comment les visiter sans les abîmer ? La beauté de l’Islande est intrinsèquement liée à sa fragilité. Ce qui semble robuste et éternel est souvent le résultat d’un équilibre précaire qui a mis des millénaires à s’établir. En tant que visiteurs, nous devenons des gardiens temporaires de ce patrimoine. Notre premier devoir est de minimiser notre impact. Le code de conduite n’est pas une série de contraintes, mais un guide pour une interaction respectueuse.

La règle la plus fondamentale est de rester sur les sentiers balisés. Le sol volcanique et la végétation qui le recouvre sont extrêmement vulnérables. Le piétinement hors-piste crée des « cicatrices » dans le paysage qui peuvent mettre des décennies, voire des siècles, à disparaître. La mousse islandaise, si emblématique, en est le parfait exemple.

Gros plan macro sur la texture délicate de la mousse islandaise verte montrant sa structure spongieuse et fragile

Cette image macro révèle la structure complexe et délicate de la mousse. Chaque brin est un élément vital d’un micro-écosystème. Il faut imaginer que pour atteindre cette luxuriance, la mousse typique du pays nécessite un siècle complet de croissance. Un seul pas peut anéantir des décennies de développement. Cette simple donnée change radicalement notre perception du « hors-piste ». Ce n’est pas un acte de liberté, mais une dégradation.

De même, la conduite hors-piste est strictement interdite et sévèrement punie (amendes pouvant atteindre 3500€). Les traces de pneus dans la toundra ou les champs de lave sont des blessures qui resteront visibles pour les générations futures. Chaque geste compte, du plus grand au plus petit. Adopter les bonnes pratiques est la meilleure façon de remercier l’Islande de sa beauté.

Plan d’action : Votre checklist du visiteur responsable

  1. Rester impérativement sur les sentiers balisés : auditez votre propre parcours pour éviter de créer des « tranchées » irréversibles dans le sol fragile.
  2. Ne jamais conduire hors-piste : vérifiez votre itinéraire et assurez-vous de ne circuler que sur les routes et pistes autorisées.
  3. Utiliser les infrastructures sanitaires : listez les stations-service et les aires de repos sur votre trajet pour planifier vos pauses toilettes.
  4. Emporter une gourde réutilisable : l’eau du robinet est excellente et cela évite les déchets plastiques.
  5. Pratiquer le recyclage : repérez les centres de tri ; chaque bouteille ou canette consignée rapporte 16 ISK, un petit geste pour la nature et votre portefeuille.

Adopter ce code de conduite, ce n’est pas se priver de liberté. C’est, au contraire, s’assurer que la magie de ces lieux restera intacte pour ceux qui viendront après nous.

À quoi servent les « Visitor Centers » des parcs nationaux (et pourquoi vous devriez vous y arrêter)

Dans l’immensité des parcs islandais, un bâtiment modeste passe souvent inaperçu : le « Visitor Center » ou centre d’accueil. Beaucoup de voyageurs le négligent, le considérant comme une simple boutique de souvenirs ou un point d’information basique. C’est une erreur fondamentale. Les centres d’accueil sont les ambassades des parcs. Ce sont des points de contact essentiels entre le visiteur et le territoire qu’il s’apprête à explorer. Y faire une halte de 15 minutes au début de votre visite peut transformer radicalement votre expérience.

Leur premier rôle est bien sûr informatif et sécuritaire. Les rangers qui y travaillent ont une connaissance intime et actualisée en temps réel du terrain. La météo en Islande peut changer en quelques minutes, un sentier peut être fermé à cause de la fonte des neiges, une rivière peut devenir infranchissable. Les rangers vous fourniront les toutes dernières conditions, vous évitant de vous retrouver dans une situation dangereuse ou face à une impasse. Dans un parc comme le Vatnajökull, qui dispose de cinq centres d’accueil répartis sur son immense territoire, s’arrêter est un gage de sécurité et d’efficacité.

Mais leur fonction va bien au-delà. Les centres d’accueil sont aussi des centres d’interprétation. Ils abritent des expositions (souvent gratuites) sur la géologie, la faune, la flore et l’histoire du parc. C’est là que vous trouverez les clés de « lecture du paysage » dont nous parlions. Comprendre comment s’est formé le canyon que vous allez longer ou pourquoi telle plante ne pousse qu’ici enrichit la visite d’une profondeur inestimable. C’est le lieu idéal pour poser des questions et obtenir des réponses qui ne se trouvent dans aucun guide. Pour tirer le meilleur parti de votre échange avec un ranger, voici quelques questions pratiques à envisager :

  • Quel sentier est le moins fréquenté aujourd’hui pour une expérience plus solitaire ?
  • Où a-t-on le plus de chances d’observer la faune locale (renards polaires, rennes) ces derniers jours ?
  • Quelles sont les prévisions météorologiques spécifiques à ce versant pour les prochaines heures ?
  • Y a-t-il des formations géologiques ou des fleurs particulières à voir en cette saison ?
  • Selon l’heure de la journée, quels sont les meilleurs points de vue pour la photographie ?

Le Visitor Center n’est donc pas une simple commodité ; c’est le véritable point de départ de votre aventure. Il transforme le simple touriste en explorateur informé et préparé.

L’Islande en miniature : la checklist de tout ce que vous verrez à Snæfellsnes

La péninsule de Snæfellsnes est souvent décrite comme « l’Islande en miniature » et le parc national Snæfellsjökull en est le joyau. Cette réputation est parfaitement justifiée. Nulle part ailleurs dans le pays vous ne trouverez une telle concentration de paysages emblématiques sur une distance aussi courte. C’est la destination idéale pour ceux qui disposent de peu de temps mais souhaitent avoir un aperçu complet de la diversité géologique islandaise. Un circuit d’une journée bien optimisé permet de vivre un véritable condensé d’expériences.

Votre journée pourrait commencer par la côte sud de la péninsule. L’un des premiers arrêts incontournables est la plage d’Ytri Tunga, non pas pour son sable, mais pour la colonie de phoques qui se prélasse souvent sur ses rochers. C’est une première rencontre douce avec la faune locale. En poursuivant vers l’ouest, vous atteindrez le village d’Arnarstapi. Ici, une promenade le long des falaises offre des vues spectaculaires sur des arches de basalte sculptées par l’océan et des formations rocheuses aux formes fantastiques. C’est un terrain de jeu pour les photographes, surtout avec la lumière du matin.

Le cœur de l’expérience se trouve au sein même du parc national. Après avoir exploré la surface, une descente dans la grotte de Vatnshellir (visite guidée obligatoire) vous plonge littéralement dans les entrailles volcaniques de la péninsule. Non loin de là, la plage de galets noirs de Djúpalónssandur offre un décor plus dramatique. Les débris rouillés d’un chalutier échoué en 1948 rappellent la dureté de la vie des pêcheurs, dont vous pourrez tester la force en tentant de soulever les quatre « pierres de levage » historiques. Enfin, aucun tour de la péninsule n’est complet sans un arrêt à la montagne Kirkjufell. Cette montagne conique, avec la cascade Kirkjufellsfoss au premier plan, est devenue l’une des images les plus iconiques de l’Islande. C’est la carte postale parfaite pour conclure une journée riche en découvertes, avant d’entamer le retour vers Reykjavík.

En une seule journée, vous aurez marché sur des falaises de basalte, observé des phoques, exploré un tube de lave, foulé une plage de sable noir et photographié une montagne de légende. C’est la preuve éclatante que la péninsule de Snæfellsnes mérite amplement son surnom.

Le guide du voyageur éco-responsable en Islande : 10 gestes qui font la différence

L’Islande fait face à un paradoxe : son économie dépend de plus en plus du tourisme, mais ce même tourisme menace la nature fragile qui le rend si attractif. Avec près de 2,3 millions de visiteurs étrangers attendus en 2024 pour moins de 400 000 habitants, la pression sur les infrastructures et les écosystèmes est immense. Devenir un voyageur éco-responsable n’est donc pas une option, mais une nécessité pour la préservation de ce paradis. Heureusement, de nombreux gestes simples, lorsqu’ils sont adoptés par le plus grand nombre, ont un impact significatif.

Le premier geste concerne la mobilité. La tentation du gros 4×4 est forte, mais est-il vraiment nécessaire ? Pour parcourir la route circulaire n°1 et les routes principales, qui desservent 90% des sites touristiques, une petite voiture économique est largement suffisante et réduit considérablement votre empreinte carbone. Le 4×4 ne devient indispensable que si vous prévoyez d’emprunter les routes « F » des Hautes Terres. De même, l’un des gestes les plus simples et efficaces est d’investir dans une gourde réutilisable. L’eau du robinet islandaise, surnommée « Kranavatn », est l’une des plus pures au monde. Acheter de l’eau en bouteille est un non-sens écologique et économique.

La responsabilité se poursuit dans l’assiette et dans le porte-monnaie. Privilégier les produits locaux comme le skyr (produit laitier), l’agneau ou le poisson frais soutient l’économie locale et réduit les émissions liées à l’importation. Séjourner dans des fermes-auberges permet non seulement de réduire son empreinte carbone, mais aussi de vivre une expérience culturelle authentique. Enfin, une conscience éthique doit guider vos choix : évitez de consommer des plats à base d’espèces dont la chasse est controversée ou la population menacée, comme le macareux, la baleine ou le requin du Groenland. Chaque choix de consommation est un vote.

  • Choisir un petit véhicule : suffisant pour la majorité des trajets et plus écologique.
  • Utiliser une gourde réutilisable : pour profiter de l’excellente eau du robinet islandaise.
  • Privilégier les produits locaux : pour soutenir l’économie et réduire les importations.
  • Fréquenter les fermes-auberges : pour une expérience plus durable et authentique.
  • Éviter les plats à base d’espèces menacées : pour un tourisme éthique.
  • Faire un don : envisagez un don à une organisation locale comme l’INCA (Iceland Nature Conservation Association) pour la protection de la nature islandaise.

Être un voyageur responsable, c’est finalement laisser une seule trace derrière soi : celle d’un impact positif sur l’économie locale, et aucune sur l’environnement.

À retenir

  • Les 3 parcs nationaux islandais (Þingvellir, Vatnajökull, Snæfellsjökull) forment un triptyque représentant l’histoire, la puissance naturelle et le mythe du pays.
  • La visite de ces parcs n’est pas une simple consommation de paysages, mais une « lecture » qui demande compréhension et respect de leur extrême fragilité.
  • Le rôle du visiteur est celui d’un « gardien temporaire », dont le comportement (rester sur les sentiers, gestion des déchets) est crucial pour la préservation à long terme.

La nature islandaise est-elle vraiment si « préservée » ? Enquête sur les défis d’un paradis fragile

L’image d’une Islande vierge et intouchée est puissante, mais elle masque une réalité plus complexe. Ce « paradis fragile » est aujourd’hui confronté à des défis majeurs qui menacent son équilibre. Le plus visible est celui du surtourisme. L’Islande a connu une croissance touristique exponentielle, mais les infrastructures n’ont pas toujours suivi. Il en résulte une concentration extrême des visiteurs sur quelques sites. Des études montrent que près de 72% des touristes se concentrent sur le Cercle d’Or (qui inclut Þingvellir), créant une pression énorme sur cet itinéraire au détriment d’autres régions tout aussi magnifiques.

Cette concentration use les sentiers, sature les parkings et banalise l’expérience. Le défi pour l’Islande est de mieux répartir les flux de visiteurs sur l’ensemble de son territoire et tout au long de l’année, pour que le tourisme reste une force positive et durable. En tant que voyageur, sortir des sentiers battus (au sens figuré, bien sûr) et explorer des régions moins connues est l’une des meilleures contributions possibles.

Mais les défis ne sont pas uniquement liés au tourisme. Des problématiques écologiques internes, parfois paradoxales, existent également. L’une des plus emblématiques est celle du lupin d’Alaska.

Étude de cas : La controverse du lupin, une beauté invasive

Le lupin de Nootka (Lupinus nootkatensis), avec ses magnifiques fleurs violettes qui tapissent les paysages islandais en été, est une image de carte postale. Pourtant, son histoire est complexe. Planté massivement à partir de 1945 pour lutter contre l’érosion et enrichir les sols volcaniques pauvres, il a parfaitement rempli sa mission. Cependant, cette espèce non-native est devenue invasive. Elle s’étend désormais sur de vastes zones, colonisant les champs de lave et les plaines de toundra au détriment de la flore native, plus fragile, comme la mousse et les lichens. Un débat intense divise aujourd’hui la société islandaise : faut-il continuer à utiliser le lupin pour ses bienfaits contre l’érosion ou faut-il l’éradiquer pour protéger la biodiversité originelle ? Cette plante à double tranchant est le symbole parfait de la complexité de la gestion environnementale.

Pour bien saisir les enjeux qui se cachent derrière la beauté des paysages, il est crucial de se souvenir de la complexité des défis auxquels l'Islande fait face.

Comprendre ces défis ne doit pas décourager, mais plutôt responsabiliser. Cela nous rappelle que chaque parc, chaque paysage est le résultat d’un équilibre délicat. La véritable préservation de l’Islande ne dépend pas seulement des rangers et des scientifiques, mais aussi de la conscience et des actions de chaque personne qui a le privilège de la visiter.

Rédigé par Benoît Rocher, Benoît Rocher est un géographe et guide d'aventure avec 15 ans d'expérience sur le terrain, spécialisé dans les environnements volcaniques et glaciaires. Sa connaissance intime des paysages islandais en fait une référence pour comprendre les forces de la nature.