Requin du Groenland fermenté hákarl dans séchoir traditionnel islandais avec paysage volcanique
Publié le 18 juin 2025

On le présente souvent comme le plat le plus répugnant au monde, une simple attraction pour touristes en mal de sensations. Pourtant, le hákarl est bien plus que cela. Cet article révèle comment ce requin fermenté, poison devenu comestible, est en réalité un pilier de l’identité islandaise, un testament de l’ingéniosité humaine face à un environnement hostile et un symbole vivant de la résilience d’un peuple.

L’évocation du hákarl, le fameux requin fermenté islandais, déclenche presque immanquablement une grimace. Son odeur d’ammoniac, si puissante qu’elle précède souvent son apparition, et son goût, décrit comme un mélange de fromage très fort et de relents marins, l’ont solidement ancré dans le panthéon des curiosités culinaires les plus extrêmes du monde. Pour le voyageur non averti, il représente le défi ultime, une anecdote à raconter, souvent réduite à une simple question de bravoure face à la répulsion. Cette perception, bien que compréhensible, passe à côté de l’essentiel.

Envisager le hákarl uniquement sous l’angle du dégoût, c’est comme regarder un iceberg en ne voyant que sa pointe émergée. On ignore la masse immense et invisible qui lui donne son sens et son histoire. Car ce plat n’est pas né d’une recherche de saveurs excentriques, mais d’une nécessité absolue. Dans un pays où les terres arables sont rares et les hivers impitoyables, chaque ressource devait être exploitée. Le requin du Groenland, abondant dans les eaux glaciales, était une manne potentielle, à un détail près : sa chair fraîche est hautement toxique. La véritable question n’était donc pas « est-ce que c’est bon ? », mais « comment rendre ce poison mangeable pour survivre ? ».

Cet article vous propose de dépasser le choc sensoriel pour plonger dans une analyse anthropologique. Nous allons décrypter le processus ingénieux qui transforme le danger en subsistance, explorer le rituel de sa dégustation, démystifier sa place réelle dans l’Islande contemporaine et montrer comment cette tradition s’inscrit dans un ensemble plus large de pratiques culturelles qui définissent la résilience unique du peuple islandais. Le hákarl n’est pas une attraction, c’est un testament comestible, une leçon de survie gravée dans la chair.

Pour ceux qui préfèrent une approche visuelle, la vidéo suivante capture la réaction souvent viscérale que provoque une première rencontre avec le hákarl. Elle illustre parfaitement le défi sensoriel qui cache la profonde histoire culturelle que nous allons explorer.

Pour naviguer au cœur de cette tradition fascinante, voici un aperçu des thèmes que nous aborderons. Chaque section dévoile une facette de cet aliment qui est bien plus qu’un simple plat, mais un véritable pilier de la culture islandaise.

Comment fabrique-t-on le requin fermenté ? Le processus qui transforme un poison en tradition

La fabrication du hákarl est un exemple fascinant d’ingénierie de la survie, une méthode ancestrale conçue pour résoudre un problème mortel. La chair du requin du Groenland (Somniosus microcephalus) est, à l’état frais, impropre à la consommation. Dépourvu de système urinaire, l’animal évacue ses déchets métaboliques à travers ses tissus, les saturant en acide urique et en oxyde de triméthylamine (TMAO). Cette particularité rend sa viande non seulement nauséabonde mais aussi dangereusement neurotoxique.

Comme le précise l’encyclopédie Wikipédia dans son article sur le sujet :

Comme ce requin n’urine pas, sa chair fraîche est saturée d’acide urique ainsi que d’oxyde de triméthylamine (TMAO), une neurotoxine dont les effets sont proches de ceux de l’ivresse et qui est toxique.

– Encyclopédie Wikipédia, Article Hákarl

Face à ce défi, les Islandais ont développé un processus en deux étapes. D’abord, la fermentation lactique. Le requin est découpé en larges morceaux, puis enterré dans une fosse peu profonde creusée dans le gravier ou le sable. Des pierres lourdes sont placées dessus pour presser la chair et expulser progressivement les fluides toxiques. Cette phase de fermentation dure entre 6 à 12 semaines, une durée qui varie en fonction de la saison et de la température ambiante.

La deuxième étape est le séchage. Une fois exhumés, les morceaux de requin sont suspendus dans des granges de séchage ouvertes, appelées hjallur. Le vent glacial et sec de l’Islande se charge alors de parfaire le processus pendant plusieurs mois. La chair développe une croûte brune tandis que l’intérieur devient crémeux. C’est durant cette phase que l’odeur d’ammoniac, signature du hákarl, atteint son apogée. Ce n’est donc pas un simple vieillissement, mais une véritable détoxification contrôlée, un savoir-faire qui a permis de transformer une ressource abondante mais mortelle en une source de protéines essentielle à la survie.

Le guide de survie pour votre première dégustation de requin fermenté

Aborder le hákarl pour la première fois est moins une expérience culinaire qu’un rituel de passage. Pour le voyageur curieux, la question n’est pas tant de l’aimer que de réussir à le goûter. L’odeur, une vague d’ammoniac intense, est souvent le premier et le plus grand obstacle. La texture, à la fois ferme et légèrement caoutchouteuse, peut également surprendre. Il est donc sage de se préparer et de suivre les conseils des habitués pour mettre toutes les chances de son côté.

Traditionnellement, le hákarl ne se mange pas seul. Il est servi en petits cubes sur des cure-dents, accompagné de deux alliés indispensables : un morceau de pain de seigle islandais (rúgbrauð), dense et légèrement sucré, et un verre de Brennivín, l’eau-de-vie locale. Le pain sert de base pour adoucir le choc initial, tandis que l’alcool puissant aide à « nettoyer » le palais de l’arrière-goût persistant. Cette trinité forme un équilibre sensoriel pensé pour rendre l’expérience non seulement supportable, mais aussi culturellement authentique.

Dégustation traditionnelle de hákarl avec brennivín et pain de seigle dans taverne islandaise

Comme le montre cette scène, la dégustation est un acte social et ritualisé, où chaque élément a son importance. Il ne s’agit pas de se nourrir, mais de partager un moment fort, une connexion avec une tradition qui a traversé les âges. Pour transformer ce défi en une expérience mémorable (dans le bon sens du terme), une approche méthodique est recommandée.

Votre plan d’action pour la dégustation du hákarl :

  1. Commencer par goûter le hákarl avec du pain de seigle robuste pour atténuer l’intensité.
  2. Se pincer le nez lors de la première bouchée pour minimiser l’impact de l’odeur d’ammoniac.
  3. Avoir un verre de Brennivín (schnaps islandais) à portée de main pour neutraliser le goût.
  4. Déguster en petites quantités – quelques cubes suffisent pour l’expérience complète.
  5. Se préparer à l’effet prolongé – l’arrière-goût d’ammoniac peut persister plusieurs heures.

Le mythe du requin fermenté au petit-déjeuner : qui en mange vraiment en Islande ?

L’image du Viking moderne dégustant stoïquement son hákarl au saut du lit est une caricature tenace qui amuse beaucoup les Islandais eux-mêmes. En réalité, la consommation de requin fermenté est loin d’être une habitude quotidienne. C’est un aliment profondément ancré dans la tradition, mais sa place dans le régime contemporain est bien plus symbolique et festive que ce que les brochures touristiques laissent entendre. Le hákarl est à l’Islande ce que les cuisses de grenouilles sont à la France : un emblème culturel que l’on ne retrouve que très rarement dans l’assiette du quotidien.

La consommation de hákarl est principalement associée à une période très spécifique de l’année : le festival de la mi-hiver, Þorrablót. Célébré de la fin janvier à fin février, cet événement est un hommage aux anciennes traditions. Les Islandais se rassemblent pour partager un buffet de plats traditionnels, le Þorramatur, qui inclut des mets hérités de l’époque de la survie, comme la tête de mouton bouillie (svið), les testicules de bélier pressés (hrútspungar) et, bien sûr, le hákarl. C’est dans ce contexte de célébration du patrimoine que le requin fermenté trouve sa véritable place, en tant que marqueur identitaire puissant.

En dehors de cette fête, sa consommation est anecdotique et souvent liée à la curiosité des visiteurs. Un expatrié vivant en Islande résume bien la situation sur un forum de voyageurs :

Quand au Hákarl, en effet il se mange avec un bon shoot de Brennivin, mais seulement si vous aimez vous faire moquer par des Islandais car eux n’en mangent que très rarement

– Témoignage d’expatrié, Forum Vie Nomade

Le hákarl est donc moins un aliment qu’un symbole. Il incarne le lien avec un passé rude, la fierté d’avoir survécu et la volonté de ne pas oublier les savoir-faire qui ont permis au peuple islandais de traverser les siècles. Le consommer, pour un Islandais, c’est participer à un acte de mémoire collective, bien plus qu’à un simple repas.

Hákarl et Brennivín : l’histoire du duo le plus redoutable de la gastronomie islandaise

On ne peut parler de hákarl sans évoquer son inséparable compagnon, le Brennivín. Cette association est si emblématique qu’elle constitue un véritable rituel. Le Brennivín, surnommé « la Mort Noire » en raison de son ancienne étiquette noire et de sa puissance, est une eau-de-vie de pomme de terre aromatisée au carvi. C’est la boisson nationale de l’Islande, et son rôle aux côtés du requin fermenté n’est pas seulement symbolique : il est fonctionnel.

Le goût âcre et anisé du Brennivín, servi glacé, possède une capacité remarquable à trancher avec la saveur grasse et ammoniacale du hákarl. Il agit comme un réinitialisateur de palais, un « chaser » qui rend l’expérience non seulement tolérable mais, pour certains, cohérente. Un témoignage d’un blogueur culinaire capture parfaitement cette synergie : « Le Brennivin est un élément INDISPENSABLE pour pouvoir apprécier le hakarl. L’un sans l’autre : c’est dégueulasse. Mais étrangement, les deux ensemble, ça passe très bien. » Cette complémentarité est la clé du rituel ; l’un adoucit l’agression de l’autre, créant un équilibre paradoxal.

Considéré comme la boisson nationale, le Brennivín est bien plus qu’un simple alcool. Titrant à 37,5% vol., cette eau-de-vie est un élément central des célébrations, notamment lors du festival Þorrablót. Son histoire est liée à celle de la prohibition partielle en Islande au début du XXe siècle. L’étiquette noire et austère était à l’origine conçue pour être peu attrayante, mais elle est finalement devenue une icône de l’identité islandaise. Servir du Brennivín avec le hákarl, c’est donc associer deux symboles de la culture et de l’histoire du pays : l’ingéniosité alimentaire et la boisson des grandes occasions.

Le duo hákarl-Brennivín est donc un mariage de raison, une alliance forgée par la nécessité de rendre une tradition ancestrale accessible aux palais modernes. C’est une démonstration de la façon dont une culture adapte ses rituels, en créant une expérience sensorielle complète où la boisson ne fait pas qu’accompagner le plat, mais en fait partie intégrante. Le geste de prendre un cube de requin, suivi immédiatement d’une gorgée d’alcool glacé, est une chorégraphie apprise, un savoir-vivre islandais.

Le hákarl n’est pas seul : le tour du monde des plats fermentés les plus extrêmes

Si le hákarl semble être une singularité absolue, il s’inscrit en réalité dans une famille mondiale de plats dont la préparation repose sur des techniques de fermentation poussées, souvent nées de contraintes de conservation extrêmes. Ces traditions culinaires, que l’on retrouve aux quatre coins du globe, témoignent toutes de l’ingéniosité humaine pour transformer des produits périssables, voire toxiques, en sources de nourriture durables. Placer le hákarl dans ce contexte permet de mieux comprendre sa logique et de relativiser son caractère « étrange ».

Chaque plat de cette catégorie raconte une histoire de survie adaptée à un environnement spécifique. Du surströmming suédois, dont la fermentation en boîte est une conséquence historique d’une pénurie de sel, au kiviak des Inuits du Groenland, où des oiseaux entiers sont conservés dans une peau de phoque, le principe reste le même : utiliser des micro-organismes pour pré-digérer et préserver la nourriture. Ces méthodes, bien que potentiellement déroutantes pour un palais non initié, sont des chefs-d’œuvre de biotechnologie empirique.

Le tableau suivant met en perspective le hákarl avec d’autres spécialités fermentées extrêmes, soulignant les parallèles dans leurs processus et leurs raisons d’être. Comme le montre cette analyse comparative des produits de la mer fermentés, la nécessité est véritablement la mère de l’invention culinaire.

Comparaison de plats fermentés extrêmes dans le monde
Plat Pays Ingrédient principal Processus de fermentation Raison historique
Hákarl Islande Requin du Groenland 6-12 semaines enterré + séchage Détoxification obligatoire
Kiviak Groenland (Inuit) Mergules nains Plusieurs mois dans peau de phoque Conservation hivernale
Surströmming Suède Hareng Fermentation en boîte Pénurie de sel au XVIe siècle
Kusaya Japon Poisson Fermentation et séchage Technique de conservation
Rakfisk Norvège Truite/Omble Salage et fermentation Conservation hivernale

Le hákarl n’est donc pas une anomalie, mais l’expression islandaise d’une stratégie de survie universelle. Comprendre cela permet de le regarder non plus comme un « monstre » culinaire, mais comme un membre d’une famille de plats respectables, tous nés d’un dialogue intelligent entre une culture et son environnement.

Fumé, séché, fermenté : pourquoi les techniques de conservation sont la clé de la cuisine islandaise

Pour véritablement comprendre le hákarl, il faut le replacer dans son contexte : celui d’une culture culinaire entièrement façonnée par la nécessité de la conservation. Avant l’avènement de la réfrigération, survivre en Islande dépendait de la capacité à stocker de la nourriture pour traverser les longs et rudes hivers. Le fumage, le salage, le séchage et la fermentation n’étaient pas des options pour varier les saveurs, mais des technologies de survie indispensables. Chaque plat traditionnel islandais est, en essence, une leçon sur la manière de défier le temps et la décomposition.

Le fumage, par exemple, était une méthode standard pour la viande et le poisson. Comme le souligne le site Guide to Iceland, il permettait non seulement de conserver les aliments, mais aussi d’ajouter des saveurs uniques avec les ressources locales, comme le fumage au bois de bouleau ou même à la bouse de mouton séchée. De même, le poisson séché, ou harðfiskur, est un autre pilier de cette gastronomie. Ce « bâton de poisson », riche en protéines et léger, était l’en-cas énergétique parfait pour les Vikings et reste extrêmement populaire aujourd’hui. Il illustre l’art de tirer le meilleur parti du vent arctique pour transformer le poisson frais en un produit de longue conservation.

L’architecture de la survie : les hjallur

Les hjallur, ces granges de séchage à claire-voie que l’on voit encore dans le paysage rural islandais, sont plus que de simples bâtiments. Leur architecture est dictée par une fonction vitale : permettre au vent glacial de circuler librement pour sécher le poisson et la viande, tout en les protégeant des précipitations. Ces structures iconiques sont un témoignage architectural de l’importance capitale du séchage dans la culture islandaise.

La fermentation du requin est donc la forme la plus extrême et la plus complexe de cet arsenal de techniques. Elle a été développée spécifiquement pour une ressource qui ne pouvait être traitée par les autres méthodes. Le hákarl est l’aboutissement de cette logique de conservation, une solution sur mesure à un problème unique. Il représente le summum de l’ingéniosité islandaise face à son environnement, un savoir-faire qui a permis de ne gaspiller aucune calorie potentielle, même la plus dangereuse.

La langue islandaise : le trésor millénaire qui unit tout un peuple

L’acharnement à préserver le hákarl, un plat objectivement difficile, trouve un écho fascinant dans un autre pilier de la culture islandaise : la protection farouche de la langue. L’islandais est un cas d’école en matière de conservatisme linguistique. Il est remarquablement proche du vieux norrois, la langue des premiers colons vikings arrivés au IXe siècle. Un Islandais d’aujourd’hui peut lire les sagas médiévales dans leur texte original avec une relative facilité, une situation quasi unique au monde.

Cette stabilité n’est pas un accident, mais le résultat d’une politique culturelle consciente et d’une fierté nationale profonde. Face à l’influence mondiale de l’anglais, l’Islande lutte activement pour éviter les emprunts. Un comité linguistique est chargé de créer des néologismes à partir de racines islandaises pour désigner les nouvelles réalités technologiques. Ainsi, « téléphone » se dit sími (vieux mot pour « fil ») et « ordinateur » tölva (un mot-valise combinant « chiffre » et « prophétesse »). Parlée par seulement environ 350 000 personnes, cette langue est perçue comme un trésor à protéger.

Comme le souligne un guide linguistique :

La langue islandaise tire ses origines du vieux norrois, langue parlée par les colons scandinaves qui se sont installés en Islande vers la fin du IXe siècle. Contrairement à d’autres langues scandinaves qui ont évolué de manière significative, l’islandais a très peu changé

– TalkPal AI, Guide de la langue islandaise

Le Jólabókaflóð : quand la littérature devient une fête nationale

Une tradition illustre parfaitement cet amour des mots : le Jólabókaflóð, ou « déluge de livres de Noël ». Chaque automne, la majorité des nouveaux livres sont publiés et un catalogue est distribué à chaque foyer. Les Islandais s’offrent ensuite des livres à Noël et passent la soirée à lire. Cette tradition unique cimente le rôle central du livre et de la langue dans l’identité nationale.

Le parallèle avec le hákarl est frappant. Dans les deux cas, il s’agit de préserver un héritage du passé, même si cela demande un effort conscient. Que ce soit en refusant d’altérer la langue ou en continuant à préparer un plat selon des méthodes séculaires, on retrouve la même volonté de maintenir un lien direct et tangible avec les ancêtres. Le hákarl et la langue islandaise sont deux facettes de la même médaille : celle de la résilience et de la préservation culturelle.

À retenir

  • Le processus de fabrication du hákarl est avant tout une méthode de détoxification pour rendre une chair toxique comestible, une prouesse d’ingénierie de la survie.
  • La consommation du hákarl par les Islandais est aujourd’hui principalement un acte festif et symbolique durant le festival d’hiver Þorrablót, et non une habitude quotidienne.
  • Le hákarl s’inscrit dans une tradition culinaire islandaise entièrement basée sur des techniques de conservation (séchage, fumage) nées de la nécessité.

Les piliers de la culture islandaise : pourquoi ce pays ne ressemble à aucun autre

En définitive, le hákarl est bien plus qu’un aliment. C’est une porte d’entrée pour comprendre l’essence de la culture islandaise : une culture forgée par l’isolement, des conditions de vie extrêmes et une volonté de fer. Ce qui peut apparaître comme de l’entêtement à préserver des traditions « dépassées » est en réalité la manifestation d’une résilience exceptionnelle. La capacité à transformer un requin toxique en nourriture est le même trait de caractère qui a permis à ce peuple de survivre à des millénaires d’épreuves.

L’histoire de l’Islande est une succession de défis surmontés. Comme le rappelle l’historien Andy Luxembourg, survivre sur cette île volcanique a façonné un caractère unique :

Une chose reste sûre, survivre plus de 1000 ans sur le 66e parallèle avec des températures basses, des vents forts, des pluies régulières et des volcans actifs résulte en un caractère fort et d’une grande résistance

– Andy Luxembourg, L’Islande : le pays de la résilience

Cette force mentale se reflète dans tous les aspects de la culture. La préservation de la langue, l’amour de la littérature, la forte cohésion sociale et même la gastronomie de la survie sont les piliers qui ont permis à cette petite nation de non seulement perdurer, mais de prospérer contre toute attente.

La résilience face aux catastrophes

L’histoire islandaise est marquée par une capacité à se relever de désastres qui auraient anéanti d’autres peuples. La peste a éliminé la moitié de la population à deux reprises aux XVe et XVIe siècles. Au XVIIIe siècle, l’éruption catastrophique du Laki en 1783 a provoqué une famine qui a tué près d’un tiers des habitants. À chaque fois, la nation a survécu, renforçant ce trait de caractère fondamental qu’est la résilience.

Le hákarl est le symbole comestible de cette histoire. Chaque bouchée, aussi difficile soit-elle, est un hommage à l’ingéniosité des ancêtres. C’est un rappel que la survie dépend de la capacité à s’adapter et à tirer parti de ce que l’environnement offre, même si cela semble impossible au premier abord. Le goût extrême du requin fermenté est, en fin de compte, le goût de la survie elle-même.

En comprenant l’ensemble de ces piliers culturels, le hákarl cesse d'être une bizarrerie pour devenir une évidence historique.

La prochaine fois que vous croiserez un stand de hákarl en Islande, ne voyez pas seulement un défi pour votre palais, mais une invitation à comprendre l’âme profonde d’une nation façonnée par la nécessité et la résilience.

Rédigé par Léa Guichard, Léa Guichard est une anthropologue et journaliste culturelle spécialisée dans les traditions et les folklores nordiques depuis plus de 10 ans. Elle a une passion pour la manière dont les mythes et l'histoire façonnent l'identité contemporaine.